A Migron, au Logis des Bessons, l’alchimie de la double distillation s’étale en pleine lumière. Les routes s’enchevêtrent pour se croiser finalement en une apothéose de goûts, de couleurs, d’odeurs. Le café, le chocolat, les feuilles de tabac de la Havane et le cognac jouent une sarabande infinie en mettant à l’épreuve, en douceur et volupté annoncées, les sens du voyageur que les anges touchent de leur élégance éternelle : celle que les charentais appellent l’esprit.
Plus de cent cinquante ans de patrimoine familial
Dans les chais, les eaux-de-vie de Borderies, de Fins Bois et de Grande Champagne, somnolent depuis plus de cent ans. C’est en 1850 que débute la longue histoire familiale des Tesseron. Une branche viticole et une branche para-viticole s’épanouissent jusqu’à la calamiteuse période du phylloxéra, à la fin du XIXe siècle. Cette maladie ruina les vignes charentaises qui ne durent leur survie que grâce à de nouveaux plants que l’on fit venir d’Amérique du Nord pour replanter le vignoble sinistré. Le mal était fait cependant.
La branche des fabricants d’outils ou taillandiers va s’éteindre. La branche viticole va prendre son essor et développer la distillation.
Patrick Tesseron, avec son frère Jean-Louis qui s’occupe des 17 hectares d’Ugni-Blanc, de Montils et de Cabernet-Merlot, de la distillation et du stock de vieilles eaux-de-vie, aime à se rappeler que son père Jean, chauffeur d’un colonel à l’école militaire de Paris, descendait en fin de semaine avec son supérieur et remontait le coffre rempli de bouteilles de cognac. C’est le premier réseau de proximité qui se crée.
En 1970, les parents font les foires, les salons dans toute la France. Et comme Jean est également pépiniériste spécialisé dans le plant de vignes, un autre flux se crée vers la propriété.
Un écomusée au parcours initiatique
Patrick va intervenir, apportant sa sensibilité et ses idées.
Chargé de mission aux Beaux-Arts à Angoulême, il vient d’une école d’ingénieur informaticien où l’on traite plus particulièrement l’image électronique. Il décide de revenir chez lui, retrouver ses racines familiales et se lance dans un projet autofinancé.
« Je voulais développer l’exploitation avec la vocation de mettre en avant le cognac, son histoire ainsi que notre production, en la valorisant par des expositions et un accueil de qualité. La première clientèle que j’ai commencé à faire venir, c’est celle des groupes ».
En 1986, le musée d’art et tradition voit le jour. Le 16 septembre 1989, on fête les 100 ans de James Tesseron, distillateur, en reconstituant un intérieur authentique avec des meubles de famille. Tous les détails comptent, du lit à la vaisselle, de l’alambic aux outils, du paradis où s’assoupissent les tonneaux et les dames-jeannes aux vieilles affiches vantant les mérites de cognacs aux noms oubliés.
En 1990, l’Ecomusée du Cognac obtient le prix de l’innovation touristique Poitou-Charentes.
L’obsession du sensoriel
En 1992, un spectacle audio-visuel est monté. En 2000, on fête les dix ans de l’écomusée avec en vernissage, un chai des arômes. Unique dans la région, dix orgues à parfums vous invitent au voyage à travers les arômes du pineau et du cognac aux teintes florales, fruitées, épicées, boisées…
Les meilleurs ambassadeurs de l’Ecomusée en sont souvent les charentais eux-mêmes qui se l’approprient comme faisant partie de leur propre histoire, ce qui est souvent le cas.
La treille et le palmier
Pour découvrir les subtilités, les goûts et mille autres choses du Domaine Tesseron, il suffit de parcourir la liste des produits proposés : pineau blanc et rosé, vieux pineau blanc et rosé, cognacs de 10, 12, 15, 20, 25, 30 et même 50 ans d’âge rivalisent d’incitation à la dégustation, ce que vous fera bien volontiers découvrir Patrick Tesseron.
Et comme pour confirmer son indéniable ancrage charentais, Patrick aime à citer un grand personnage de l’érudition saintongeaise : Jean Glénisson. On doit à cet historien, animateur culturel, de nombreux écrits, des présidences notamment celle de l’Académie de Saintonge, des créations comme celle de l’Université francophone d’été Jonzac-Québec. L’évocation seule de son nom nous amènerait à des développements nombreux. Contentons-nous d’une de ses réflexions fondatrices et pleines de symboles : « L’esprit saintongeais, c’est la treille et le palmier ».
Patrick Tesseron s’enthousiasme : « La treille, c’est l’enracinement. Le palmier que l’on voit dans toute la Saintonge, c’est l’ouverture sur l’outremer et le voyage ». Des signes extrêmement forts, comme peut l’être la salamandre qui sort de l’alambic pour s’étaler, au soleil de Saintonge, dans la pierre du fronton du Logis.